À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, une enquête menée par l’Ifop pour IAMSTRONG met en lumière une réalité souvent méconnue : la souffrance psychologique des jeunes femmes. Réalisée auprès de 1 303 jeunes âgés de 11 à 24 ans, cette étude révèle à quel point les pressions sexistes et les normes de genre peuvent affecter profondément la santé mentale. À un âge où les bases de la confiance en soi se construisent, les jeunes femmes subissent des violences insidieuses – remarques sexistes, injonctions à la perfection, cultes de l’apparence – qui fragilisent leur équilibre psychologique.
Une surexposition aux souffrances psychiques
1. Une vulnérabilité alarmante aux pensées suicidaires
L’étude montre que les jeunes femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à déclarer des pensées suicidaires (27 % contre 18 %). La situation s’aggrave parmi les jeunes femmes ayant confié avoir eu ces pensées au cours de l’année écoulée, passant de 9 % en 2021 à 16 % en 2024. Ces chiffres traduisent une détresse en forte hausse chez les jeunes adultes, les 18-24 ans apparaissant comme particulièrement fragilisées.
2. Des signes clairs de détresse mentale
L’anxiété chronique, la dépression et les troubles du sommeil touchent une majorité de jeunes femmes. Près de 68 % d’entre elles rapportent avoir traversé des périodes d’anxiété intense, contre 51 % des hommes. Les épisodes dépressifs d’au moins deux semaines concernent 55 % des jeunes filles, et 19 % déclarent avoir déjà pris des antidépresseurs, dont 10 % dans les 12 derniers mois – un chiffre deux fois supérieur à celui des jeunes hommes.
3. Le stress, un poids quotidien
Les jeunes femmes déclarent des niveaux de stress bien plus élevés que leurs pairs masculins : 76 % des filles se disent stressées, contre 61 % des garçons. Le stress est particulièrement prononcé chez les étudiantes, où il atteint 80 %. Ce mal-être se manifeste par des symptômes physiques et émotionnels variés : insomnies, maux de tête, inquiétudes inexpliquées, voire une incapacité à se détendre.
Dévalorisation de soi et normes de genre
1. Une auto-dépréciation genrée
L’appartenance au genre féminin est un facteur aggravant en matière d’estime de soi. 38 % des filles déclarent avoir une opinion négative d’elles-mêmes, contre 26 % des garçons. Ces sentiments d’auto-dépréciation affectent directement leur confiance en leurs capacités scolaires et professionnelles : 34 % doutent de leur niveau scolaire, contre 23 % des garçons. Ces chiffres montent à 38 % parmi les jeunes filles lesbiennes, bisexuelles ou pansexuelles, révélant une intersectionnalité des souffrances psychiques.
2. L’impact de l’apparence physique
L’estime de soi liée au physique est un facteur crucial de bien-être mental. Les jeunes filles qui se perçoivent comme « pas belles » sont trois fois plus nombreuses à avoir envisagé le suicide par rapport à celles qui se trouvent belles. Cette mésestime physique agit également sur d’autres dimensions, comme la confiance scolaire : 69 % des élèves ne se trouvant pas belles déclarent manquer de confiance dans leurs capacités académiques, contre 16 % des élèves se considérant belles.
3. Une peur omniprésente de l’échec
Les filles expriment davantage de peur de l’échec (73 % contre 54 % des garçons) et hésitent à prendre la parole en public ou à s’affirmer. Cette crainte, souvent liée à des attentes élevées de perfection, les pousse à renoncer à des opportunités ou à minimiser leurs ambitions, renforçant un cercle vicieux d’auto-dévalorisation.
Une vision désenchantée de la société
1. Un regard pessimiste sur l’avenir
Seulement 48 % des jeunes filles estiment avoir de la chance de vivre à notre époque, contre 61 % des garçons. Ce pessimisme s’aggrave chez les jeunes appartenant à des minorités de genre : 68 % des jeunes femmes homosexuelles et bisexuelles, et jusqu’à 76 % des personnes non-binaires, partagent cette vision sombre. Cette désillusion reflète une conscience accrue des inégalités et des obstacles sociaux.
2. Un rejet des normes sociales
Les crises actuelles – sanitaires, environnementales, sociales – contribuent à exacerber ce désenchantement. Près de 68 % des adolescentes de 14-15 ans déclarent être écœurées par ce qu’elles observent dans la société, contre 49 % des garçons du même âge. De plus, 32 % des jeunes filles expriment une envie d’abandonner face à ces défis, contre 17 % des garçons.
3. Une lucidité sur les rapports de domination
Les jeunes femmes montrent une conscience accrue des rapports de pouvoir dans la société, notamment à travers leur perception des violences de genre. Ce rejet, bien qu’inquiétant, pourrait également être le signe d’une volonté de remise en question et de transformation des normes actuelles.
L’étude de l’Ifop met en évidence une problématique trop souvent invisibilisée : les violences psychologiques liées au sexisme ordinaire. Ces micro-agressions, injonctions et remarques anodines sapent progressivement la confiance en soi et dégradent profondément la santé mentale des jeunes femmes. Ce mal-être ne se limite pas à l’individu : il reflète les déséquilibres structurels d’une société où les inégalités de genre persistent. En cette journée internationale, il est urgent de reconnaître et de combattre ces violences invisibles qui affectent toute une génération de jeunes femmes.
Sources : Étude Ifop pour IAMSTRONG, octobre 2024