Peut-on confier sa relation client à une intelligence artificielle ?
Eric FRANCES, VP Sales France & BeNeLux, expert.ai
L’intelligence artificielle est sortie du stade de l’expérimentation et du fantasme pour s’immiscer dans de nombreux aspects de nos vies : suggestions d’achats, services automatiques d’assistance téléphonique (voicebot), diagnostic médical, assistance virtuelle sur les pages web… Et ce n’est que le début : en deux années seulement, le nombre de Français déclarant utiliser quotidiennement des services basés sur l’IA dans leurs interactions avec les entreprises a augmenté de 15 points (passant de 25% en 2018 à 40% en 2020 – Etude de Capgemini Research Institute : The art of customer-centric artificial intelligence” – 16 juillet 2020). Mais si la crise de Covid-19 et la distanciation physique associée n’ont fait qu’amplifier le phénomène, le niveau de satisfaction des utilisateurs a baissé de 16 points depuis 2018. Les attentes sont fortes, mais l’intelligence artificielle – notamment celle appliquée à la compréhension du langage naturel – n’a pas fini de nous surprendre.
Ce que veulent les clients
Pour répondre à la demande d’un client, il faut d’abord bien la comprendre. Cela paraît anodin, mais d’un point de vue technologique, la compréhension du langage – et surtout de ses approximations – reste un vrai défi. Il s’agit même de l’enjeu principal des outils automatisés d’interaction avec les clients, tels que les chatbots, les systèmes de messagerie et d’assistance à distance. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un client soit obligé de reformuler sa demande à plusieurs reprises pour qu’elle corresponde au vocabulaire de l’entreprise et soit comprise par l’outil. Cela est évidemment préjudiciable pour la qualité de l’expérience client. Or, si une entreprise décide de faire appel à l’IA pour une partie de sa relation client, cela doit lui permettre d’offrir à ses clients une meilleure qualité de service dans son ensemble.
Comprendre le langage naturel : une mission pour une IA spécialisée
L’intelligence artificielle appliquée à la compréhension du langage naturel a précisément pour objectif l’analyse et l’extraction d’informations à partir de contenus textuels dits « non structurés », c’est-à-dire qu’il s’agit de comprendre le contexte, les concepts, les expressions, les messages clés, les données (valeurs, dates etc…), le ton, les sentiments etc. sans ambiguïtés, et de rendre toutes ces informations recueillies exploitables de manière automatisée. Les solutions d’IA appliquée à la compréhension du langage naturel s’appuient sur du machine learning (apprentissage automatique) ou bien des règles sémantiques construites à partir d’un graphe de connaissances (IA symbolique)
Selon les estimations d’IDC, les données non structurées représenteront 80% des données mondiales en 2025. Ces données contiennent des informations opérationnelles et stratégiques qui sont à l’heure actuelle largement sous-exploitées, notamment car la plupart des fournisseurs de technologies d’IA se sont spécialisés dans un domaine d’application précis : chatbot, assistance téléphonique, analyse du texte dans les réseaux sociaux… Cette approche cloisonnée ne permet pas de capitaliser sur le développement du lexique métier et sur l’apprentissage automatique des algorithmes pour l’appliquer à d’autres projets. Dans ce cadre, dès que l’on change la mission d’une IA, il lui faut repartir à zéro. Or l’IA appliquée à la compréhension du langage naturel peut et doit s’inscrire dans une approche globale et être mise à profit dans de multiples cas d’usage au sein d’un même système d’information.
Faire de l’IA son nouveau conseiller clientèle
Dans le domaine de la relation client, le champ des possibles de l’IA est vaste. De nombreuses banques et sociétés d’assurance utilisent déjà l’IA appliquée au langage naturel pour le traitement automatisé des emails venant de leurs clients ou pour la gestion des déclarations de sinistre grâce à une vérification automatisée des documents attachés. Elles ont pu obtenir des niveaux de précision et des taux de réponse supérieurs à ce qu’un traitement humain pouvait fournir. Dans certains cas, l’automatisation du processus par l’IA va même jusqu’au déclenchement de l’indemnisation pour les montants ne dépassant pas les quelques milliers d’euros, et ainsi réduire les temps de traitements de plusieurs heures à quelques minutes seulement. Cela dégage en outre du temps aux collaborateurs qui peuvent se consacrer aux dossiers les plus complexes, participant ainsi à l’amélioration du service et de l’expérience client.
Techniquement, les outils basés sur l’IA peuvent être très satisfaisants. Mais pour qu’ils participent réellement à la performance de l’entreprise, il faut qu’ils soient intégrés dans une stratégie globale impliquant tous les métiers concernés. La meilleure approche reste donc celle qui combine intelligences artificielle et humaine, pour répondre le mieux possible aux attentes des consommateurs et faire face aux situations imprévues. Au début de la pandémie par exemple, certains chatbots n’étaient pas préparés aux questions sur la Covid. Les entreprises les mieux équipées ont néanmoins pu réagir vite et adapter leurs services en à peine deux semaines, ce qui représente un atout majeur en matière de satisfaction client, et donc de compétitivité.
Lorsqu’ils sont mis en relation avec les applications reposant sur l’IA, les clients sont intraitables. Or, la crise de Covid-19 a poussé de nombreuses entreprises à déployer des services en ligne dans l’urgence, souvent pour répondre à une problématique précise sans prise en compte du potentiel stratégique global pour l’organisation. Les plateformes d’IA appliquée au langage naturel permettent de développer des services clients performants, personnalisés et adaptables. Oui, il est aujourd’hui possible (et souhaitable) de confier une partie de sa relation client à l’IA !