Aller à l’école : le combat des mineurs isolés sur le territoire français
Un nouveau rapport publié aujourd’hui par l’UNICEF France révèle qu’en raison de nombreux obstacles administratifs, juridiques et budgétaires, le droit à la scolarisation des mineurs non-accompagnés présents sur le territoire français est gravement entravé.
Le rapport « Je suis venu ici pour apprendre : garantir le droit à l’éducation des mineurs non accompagnés » a été réalisé avec l’appui de l’association Droit à l’école. Droit à l’école soutient les mineurs non-accompagnés exilés dans leur démarche de scolarisation vers une école de la République française.
Ces enfants et ces jeunes peuvent ainsi perdre jusqu’à trois ans de scolarité ; l’équivalent de 3000 heures de cours.
Les mineurs non accompagnés (MNA) sont les enfants qui se trouvent sans représentant légal sur le territoire. Ils sont privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et ont – à ce titre – droit à une protection.
En France, les mineurs non-accompagnés sont près de 25 000. Leur prise en charge est assurée par les services de la protection de l’enfance, sous la responsabilité des Conseils départementaux qui ont l’obligation de leur apporter un soutien matériel, psychologique et éducatif, notamment en leur garantissant l’accès à la scolarité et à la formation.
Cependant, le rapport « Je suis venu ici pour apprendre : garantir le droit à l’éducation des mineurs non accompagnés » publié aujourd’hui par l’UNICEF France, indique que l’accès de ce public à l’école est loin d’être garanti. En effet, l’analyse des pratiques des Conseils départementaux et des services de l’éducation nationale révèle de nombreux freins dans le parcours des MNA pour accéder à l’école, alors qu’elle représente un lieu de sécurité et une source d’espoir pour l’avenir.
De multiples obstacles
En premier lieu, rares sont les MNA qui se voient proposer, par les départements, un accès à l’éducation durant la phase d’accueil et d’évaluation – parfois longue – de leur statut qui succède à leur arrivée en France. Pour les jeunes qui font l’objet d’un refus de prise en charge et se retrouvent dans l’attente d’une décision du juge, la situation est encore plus critique. La plupart des services des rectorats refusent en effet d’évaluer leur niveau d’apprentissage ; étape pourtant nécessaire à leur affectation future dans un établissement. Par la suite et une fois confiés à la protection de l’enfance, les délais de l’orientation nationale, de l’évaluation de leur niveau scolaire et de leur affectation dans un établissement sont eux aussi importants.
Enfin, certains départements ne protègent pas toujours de façon effective les mineurs qui leurs sont confiés et refusent parfois de procéder à leur scolarisation en dépit de l’encadrement légal du droit à l’éducation. Des pratiques maintes fois condamnée par les tribunaux.
De lourdes conséquences
Au total, les enfants peuvent perdre de six mois à trois ans de scolarité, du seul fait des procédures administratives et judiciaires d’accès à la protection et des délais d’accès à l’éducation. Cela correspond à entre 500 et 3000 heures de cours perdues.
Cette attente interminable creuse les retards d’apprentissages accumulés par ces jeunes – qu’ils aient été, ou non, scolarisés dans leur pays d’origine – et entraîne des conséquences notables sur leur santé mentale (découragement, isolement, baisse de l’estime de soi, sentiment d’immobilisme, …) mais aussi sur leur future réussite scolaire et leur insertion à plus long terme dans la société.
Une surreprésentation dans l’enseignement professionnel
Pour les MNA qui sont scolarisés, les choix d’orientation sont souvent contraints et dirigés quasi systématiquement vers l’enseignement professionnel, et ce même pour les nombreux jeunes pouvant prétendre à de longues études.
Cette tendance s’explique à la fois par les contraintes légales qui imposent aux mineurs pris en charge après 16 ans de justifier avoir suivi une formation professionnelle qualifiante pour accéder à un titre de séjour à 18 ans mais aussi par les perceptions et pratiques d’accompagnement des professionnels qui les entourent. De plus, les dispositifs de classes adaptées (UPE2A) sont en nombre insuffisant et bien souvent intégrés uniquement aux établissements professionnels. Ils ne permettent pas toujours l’inclusion progressive des élèves dans les classes ordinaires.
Respecter ses engagements
« Alors qu’en tant que signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), la France s’est engagée à garantir de manière inconditionnelle le droit à l’éducation de tous les enfants sur son territoire et à œuvrer à la levée des obstacles qui pourraient s’y opposer, la scolarisation des MNA s’avère un parcours semé d’embûches, long et difficile. Être privé d’école, ne serait-ce que 6 mois, est un préjudice qui peut s’avérer irréparable. Nous sommes en train de pénaliser toute une génération d’enfants dont la santé mentale et l’avenir sont en jeu », affirme Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France.
Face aux constats alarmants que dresse ce rapport, l’UNICEF France invite les pouvoirs publics à prendre des mesures concrètes pour garantir l’effectivité du droit à l’éducation de ces MNA, notamment :
- En scolarisant les MNA dès leur arrivée, par une réforme de la phase de premier accueil et en calibrant l’offre de tests de niveau et de classes adaptées.
- En créant au sein de chaque département, une commission chargée la scolarisation des MNA afin de mettre en place un mécanisme de suivi avec le rectorat sur les évaluations et affectations, recenser les offres de formations disponibles et améliorer les délais de scolarisation.
- En généralisant la délivrance d’un titre de séjour vie privée et vie familiale de plein droit aux jeunes majeurs, sans autre condition que d’avoir bénéficié d’une mesure de protection de l’enfance, afin de permettre leur insertion durable et d’éviter que l’anticipation de leur régularisation ne les contraignent à des filières professionnelles ou des formations courtes, en contradiction parfois avec le projet défini avec eux par l’équipe éducative.