Dialogue imaginaire entre Charles de Gaulle et Vladimir Poutine
Une rencontre hors du temps, au cœur du tumulte ukrainien
L’apparence de la force
Une salle austère, sobre, presque monacale. Une grande horloge à balancier ponctue le silence. Deux fauteuils de cuir brun se font face. Charles de Gaulle, grand, raide, lointain, regarde Vladimir Poutine qui s’est installé sans cravate mais avec raideur.
Charles de Gaulle (CG) –
Monsieur le Président. Il fut un temps où la Russie était respectée pour sa culture, ses sacrifices et son courage. Aujourd’hui, elle est crainte, isolée, diminuée. Vous appelez cela de la puissance ?
Vladimir Poutine (VP) –
La puissance s’exprime d’abord par la capacité à se faire respecter. L’OTAN s’est rapprochée de nos frontières. Nos voisins nous ont tourné le dos. Il fallait agir.
CG –
Il ne faut pas confondre agir et réagir. Gouverner, c’est avoir une vision. Pas céder à la panique stratégique. Vous êtes-vous demandé pourquoi vos voisins vous tournent le dos ? Peut-être parce qu’ils redoutent moins l’Amérique que vos divisions blindées.
VP –
Vous avez parlé de souveraineté toute votre vie. J’agis pour protéger la mienne.
CG –
La souveraineté ne s’exporte pas à coups de missiles. Elle se défend, certes, mais elle s’élève surtout dans le respect du droit des autres. C’est dans l’équilibre des nations que se trouve la paix, non dans l’annexion des territoires.
Le piège de l’Histoire
VP –
L’Ukraine est une terre russe, historiquement, culturellement, linguistiquement. Ce sont des frères qui ont été trompés par l’Occident.
CG –
Je connais ce langage. C’est celui que d’autres ont utilisé pour justifier l’Anschluss ou les Sudètes. L’histoire n’est pas une licence pour envahir. Elle est un miroir, pas un permis.
VP –
Je ne suis pas Hitler.
CG –
Non. Mais les logiques qui mènent à la catastrophe sont souvent banales au départ. Une guerre commencée pour « rectifier » l’histoire, se termine toujours par l’histoire qui vous juge.
VP –
Je refuse que la Russie soit une puissance secondaire, encerclée, dépendante.
CG –
Alors agissez en stratège, pas en chef de guerre. C’est par la science, la diplomatie, la culture, l’énergie, que la Russie peut redevenir grande. Pas par la ruine de Marioupol.
Le temps long contre le feu court
VP –
Vous parlez de vision, général. Mais dans un monde d’images et de vitesse, celui qui n’agit pas perd la face. Et le peuple russe ne pardonne pas l’humiliation.
CG –
Croyez-vous qu’il vous pardonnera le sang versé ? Les cercueils qui reviennent par centaines, les sanctions qui rongent les foyers, l’isolement qui coupe votre jeunesse du monde ? La véritable humiliation, ce n’est pas la retenue. C’est de mener un peuple à l’impasse.
VP –
Le peuple est derrière moi.
CG –
J’ai été acclamé, puis conspué. On ne gouverne pas pour les applaudissements, mais pour les lendemains. Ce n’est pas le peuple qui exige la guerre : c’est le pouvoir qui l’alimente. Et croyez-moi, aucun pouvoir ne résiste éternellement à la réalité.
Une porte de sortie
VP –
Admettons que je cherche une issue. Que dirait le général de Gaulle au président de la Russie ?
CG –
Je lui dirais ceci :
-
Proposez un cessez-le-feu immédiat, sans exiger de reconnaissance territoriale.
-
Sollicitez une conférence internationale, sous égide neutre : l’Inde, le Vatican, la Suisse, pourquoi pas ?
-
Offrez des garanties de non-agression à vos voisins, en échange d’un gel de l’élargissement de l’OTAN.
-
Ouvrez vos prisons, libérez les voix russes critiques. Montrez que la force ne craint pas le débat.
-
Et enfin, lancez un grand plan de reconstruction pour l’Ukraine, aux côtés d’autres nations. Vous transformerez votre image de destructeur en celle d’un bâtisseur.
VP –
Et que diront les Ukrainiens ? Que je suis venu, j’ai tué, puis j’ai demandé pardon ?
CG –
Ils diront que vous avez su arrêter le feu. Et que vous avez eu le courage de reculer. Ce n’est pas rien, Monsieur Poutine. C’est rare.
La solitude du pouvoir
VP – plus sombre :
J’ai construit mon pouvoir comme une citadelle. Je ne peux pas en sortir sans l’ébranler.
CG –
La solitude du pouvoir est une épreuve, je le sais. Mais c’est aussi une chance : celle de pouvoir changer de cap sans demander la permission. Il n’est jamais trop tard pour choisir la paix. La guerre vous rend seul, le pardon vous rend grand.
VP – après un long silence :
Et si je ne le fais pas ?
CG –
Alors un jour, vous ne serez plus écouté, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Et la Russie, que vous croyez défendre, deviendra l’ombre d’elle-même. Ce ne sont pas les empires que l’Histoire retient, mais les moments de courage.
Une dernière parole
CG –
Je vous laisse une maxime, Monsieur Poutine :
« Il n’y a de grandeur que dans la fermeté des principes et l’aptitude à servir l’intérêt de son peuple, non ses propres certitudes. »
Le silence retombe. Le général de Gaulle se lève, immense, silhouette de pierre. Il salue, sans sourire. Vladimir Poutine reste assis, seul avec ses pensées, entre l’écho des bombes et la voix d’un vieux général revenu d’un autre siècle.