BASSIN DE LA SEINE ET INONDATIONS : L’ENJEU DE LA VULNÉRABILITÉ AU COEUR DES ATTENTIONS
Si les experts présents lors de la conférence s’accordent tous à dire que la Seine est, au niveau européen, un fleuve de taille moyenne et plutôt « sage », tous convergent vers l’enjeu clé de la réduction de la vulnérabilité des territoires qu’il traverse. En effet, le bassin de la Seine concentre des risques très élevés résultant de l’implantation d’un territoire économique d’importance mondiale, cœur des richesses françaises et centre politique du pays.
Par ailleurs, ce défi est d’autant plus urgent à relever que les dernières crues de 2016 et 2018, sans être historiquement exceptionnelles, ont révélé un accroissement majeur du niveau de vulnérabilité (urbanisation en zones inondables, augmentation de la population, construction de réseaux souterrains, imperméabilisation des sols…). Pour preuve, le niveau des indemnisations constatées par la Caisse Centrale de Réassurance, lors de ces épisodes :
1,1 milliard d’euros en 2016 (Seine et Loire confondues) : plus important niveau de dédommagement depuis la création du régime de Catastrophes Naturelles.
200 millions d’euros en 2018 (90 millions d’euros de dégâts évités grâce au stockage des quatre lacs réservoirs.)
Au-delà de ces deux crues, le niveau d’indemnisation pour les inondations s’élève en moyenne à 500 millions d’euros par décennie depuis 1996, dont 10% concernent directement le bassin de la Seine.
AU-DELÀ D’UN CONSTAT DU PASSÉ, DES MODÉLISATIONS ET DES ÉTUDES QUI ALERTENT SUR L’AVENIR
Côté projections, les prévisions sont inquiétantes puisque, selon la Caisse Centrale de Réassurance, le niveau de sinistralité par inondation sur le bassin est amené à s’accroître de 50% dans les prochaines décennies si aucune mesure efficace de prévention n’est menée.
Par ailleurs, l’étude OCDE menée en 2014 sur la gestion des risques d’inondations sur la Seine en Ile-de-France fait apparaître un niveau d’impact alarmant si une crue du même niveau que celle de 1910 venait à se produire, avec 30 milliards d’euros de dommages et 5 millions de personnes sinistrées.
Des prévisions qui motivent une mobilisation d’ampleur comme le souligne M. Michel CADOT, Préfet de la région Ile-de-France : « Nous avons une feuille de route claire reposant sur quatre priorités stratégiques : avancer concrètement sur les dossiers pilotes comme celui de la Bassée ; développer un véritable réseau de zones d’expansion de crues ; entretenir les digues et installations existantes pour disposer d’une circulation efficace des eaux ; veiller au développement d’un urbanisme soutenable face aux crues. Ce plan fait l’objet d’une revue de détail chaque semestre face aux ministères concernés. »
PROGRAMME DE PRÉVENTION DES INONDATIONS : « MIEUX VIVRE AVEC L’EAU »
Là où il y a plusieurs décennies, la priorité était donnée aux mégastructures et à la gestion centralisée, c’est désormais à l’échelon territorial et sur la solidarité entre amont et aval, entre zones rurales et zones urbaines, que l’essentiel de l’action et de la prévention s’organise, pour mieux gérer les flux d’eau.
Une philosophie largement partagée par Erik ORSENNA, membre de l’Académie française et Président de Initiatives pour l’Avenir des Grands Fleuves (IAGF) : « L’eau et sa gestion par les hommes représentent un véritable miroir de nos sociétés. Aujourd’hui, la prise de conscience environnementale a considérablement réduit une acceptabilité rapide concernant la construction de nouvelles infrastructures importantes et les villes qui connaissent un accroissement de leur attractivité sont celles qui ont retrouvé un lien avec la nature et plus particulièrement avec l’eau comme Seattle, Hambourg ou Vancouver. Cela implique d’entretenir une nouvelle appréhension et prise en considération des risques. »
C’est de cette volonté « de mieux vivre avec l’eau » plutôt que d’en ignorer les potentielles nuisances que le Programme d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) a vu le jour et se déploie de plus en plus largement dans tous les territoires amont et aval, grâce à certains syndicats de bassins (Yerres, Orge-Yvette, Armançon, Les Morin) et aussi avec la contribution et l’appui de l’EPTB Seine Grands Lacs sur la Seine et la Marne franciliennes, la Seine supérieure, le St Dizier-Perthois-Vallage, le Loing et bientôt l’Yonne. Aujourd’hui, le bassin amont de la Seine compte six PAPI et quatre en préparation.
QUELLES AVANCÉES CONCRÈTES ? QUELLES PISTES DE PROGRÈS FUTURS ?
Deux leviers d’actions indispensables ont largement émergé des discussions de la conférence inter PAPI : agir concrètement en faveur des zones à risque, prévenir et informer les citoyens. Deux priorités qui nécessitent des financements pour soutenir le développement des actions et initiatives de l’ensemble des territoires, en ayant recours notamment au « Fonds Barnier », aujourd’hui trop peu connu et sollicité. De plus, le montant des fonds FEDER actuels consacrés à la prévention des inondations n’est pas à la hauteur des enjeux.
Agir concrètement en faveur des zones à risque en protégeant le rôle des Zones d’Expansion de Crues.
Pour éviter ou limiter les inondations par crue, il est essentiel, au sein du bassin, de préserver des espaces de toute urbanisation et de proposer des mesures de gestion de ces zones, dont certaines sont des terres agricoles. Ainsi et comme l’a confirmé M. Patrick OLLIER, Président de la Métropole du Grand Paris : « Une charte d’indemnisation devrait être signée avant fin juin entre la Métropole du Grand Paris et les représentants des chambres agricoles concernées encadrant le dédommagement en cas de sur-inondation et optimisant la mise en place d’un plan de gestion renforcé et plus efficace en cas de crue. »
Prévenir et informer les citoyens grâce à la plateforme EPISIENE
EPISEINE pour “Ensemble pour la Prévention des Inondations sur le bassin de la SEINE” est un dispositif de prévention et d’information porté par l’EPTB Seine Grands Lacs et ses partenaires. EPISEINE est à la fois une démarche de sensibilisation, un organisme de formation, un centre de ressources et une plateforme web collaborative.
POUR CONCLURE, et même si l’urgence à agir est essentielle, M. Frédéric MOLOSSI, Président de L’EPTB Seine Grands Lacs a souligné que « ce grand rendez-vous de la prévention des inondations du bassin amont de la Seine démontre bien l’intérêt à agir de manière coordonnée et solidaire. En effet, tous les acteurs ont répondu présent et exposé leurs problématiques, leurs enjeux et leurs avancées qui, si elles sont différentes, servent l’intérêt collectif d’une gestion coordonnée et solidaire du bassin. Par ailleurs, nous devons tous accepter d’être dans le temps long. Un temps nécessaire aux études et à la compréhension des phénomènes et conséquences avant d’agir. C’est à cette condition que nous pourrons passer ensemble et efficacement des rapports théoriques à la mise en œuvre pratique pour déployer un dispositif à la fois durable et partagé de la prévention du risque inondations, basé sur l’exemplarité. »