Après un début d’année marqué par une relative accalmie sur les marchés financiers, la donne a radicalement changé du fait du regain de tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine. Ce changement de régime nourrit la volatilité et l’incertitude sur la croissance économique mondiale. Ce contexte impose donc de réduire son exposition aux actifs risqués.
Après un début d’année marquée par des vents porteurs, les marchés financiers doivent désormais faire face à un profond changement de régime lié à la recrudescence des risques géopolitiques. La décision du président américain, Donald Trump, au début du mois de mai, de passer de 10% à 25% les droits de douane sur 200 milliards de dollars de produits chinois a mis le feu aux poudres. Depuis, l’escalade des tensions dans la guerre commerciale que se livrent les Etats-Unis et la Chine a fini par faire plonger les marchés actions européens dans le rouge dès le début du mois de mai.
Une conjoncture économique dépendante de la guerre commerciale
Désormais, les projections macro-économiques sont suspendues à la menace de Donald Trump de taxer les 325 milliards de dollars d’importations chinoises qui ont été jusque-là épargnées. Cette troisième vague de taxation douanière pourrait alors affecter sérieusement le secteur exportateur chinois, et donc, l’ensemble de l’activité économique de la Chine. Sa projection de croissance économique pourrait alors passer sous le seuil de 6%. Le ralentissement du moteur chinois aurait des effets en cascade sur la croissance mondiale, et principalement sur celle des marchés émergents.
Ce regain de tensions entre la Chine et les Etats-Unis pourrait également avoir des conséquences négatives pour l’économie américaine. Ces 325 milliards de dollars d’exportations chinoises comportent en effet une très forte composante de biens de consommation finaux. Une augmentation significative des droits de douane se traduirait alors directement dans le niveau de l’inflation aux Etats-Unis, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des américains et donc la consommation des ménages américains, qui demeure le principal moteur de la croissance économique outre-Atlantique.
A ce stade, pourtant, la croissance économique aux Etats-Unis reste bien orientée et l’heure n’est pas à l’inquiétude. Au premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) américain a enregistré une croissance de 3,2% en rythme annuel, largement au-dessus des attentes. Les principaux indicateurs économiques sont dans le vert, avec une consommation qui se porte bien, un taux de chômage à un niveau historiquement bas et une inflation maîtrisée. La donne pourrait toutefois changer radicalement en cas de choc exogène engendrant de l’inflation importée.
Dans l’environnement actuel, la Réserve fédérale américaine (Fed) n’a pas caché qu’elle allait particulièrement être attentive aux évolutions des tensions commerciales entre Pékin et Washington, évoquant même la possibilité de prendre des mesures appropriées qui s’imposent pour soutenir la croissance américaine. Pourtant, la Fed ne devrait pas bouger ni modifier en profondeur sa politique monétaire actuelle, notamment après avoir mis un terme en début d’année à son cycle de hausse de taux. D’autant que, même si la croissance économique connait un certain ralentissement, tout risque de récession semble toujours écarté à l’heure actuelle aux Etats-Unis.
La France, le bon élève de l’Europe
En Europe, l’heure est davantage à l’optimisme malgré une très forte hétérogénéité de la conjoncture économique selon les pays sensibles aux exportations, comme l’Allemagne ou l’Italie, et ceux qui ne le sont pas ou peu, comme la France. Ainsi, contrairement au consensus qui attend la croissance européenne à 1,1% pour cette année, nous tablons sur 1,3% de croissance pour 2019, soit au-dessus du potentiel de la zone euro. Un tel niveau de croissance est de nature à maintenir des conditions favorables sur le marché du travail et, donc, sur le taux de chômage en Europe. Pourtant, une forte dichotomie se dessine selon les pays. La France, bien aidée par les mesures de relances du pouvoir d’achat et d’urgences sociales mise en œuvre par le gouvernement à la suite de la crise des « gilets jaunes », devrait ainsi figurer parmi les bons élèves de la zone Euro. A l’inverse, l’Allemagne, pénalisée par sa sensibilité aux exportations, représente un frein pour la zone euro tandis que l’Italie en est le poids mort en raison d’une dette clairement insoutenable et un très fort déficit de croissance économique.
Le risque politique n’est pas totalement écarté, principalement en raison de l’absence de solution concrète concernant le « Brexit ». Néanmoins, la zone euro devrait continuer de bénéficier de la politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) pour qui la hausse des taux d’intérêt n’est pas à l’ordre du jour.
Allocation d’actifs : Un allégement sur les actifs risqués
Si les politiques monétaires accommodantes ont été les principaux facteurs de soutien des marchés financiers au cours des premiers mois de l’année, les risques géopolitiques ont depuis quelques semaines pris de l’ampleur, générant un manque de visibilité et de fortes incertitudes, sources de volatilité. Ce changement de régime de marché, marqué par un retour en force de la volatilité, nous contraint donc à réduire notre budget de risque et, donc, notre exposition aux actifs risqués, en particulier les actions et les dettes émergentes qui se trouvent au cœur de la guerre commerciale. Si la classe d’actifs a bénéficié d’un réel appétit des investisseurs, affichant de solides performances, le regain de tension entre Pékin et Washington rend cette classe d’actifs nettement moins attractive.
Dans un contexte macro-économique toujours porteur, malgré un certain ralentissement de la croissance, la croissance des bénéfices des entreprises devrait se poursuivre. Les marchés actions continueront donc d’être une source de performance au cours des prochains mois. A ce titre, les actions européennes doivent être privilégiées du fait de la bonne tenue de la conjoncture économique en zone euro et d’une sous-valorisation persistante par rapport à d’autres zones géographiques. Les actions américaines pourraient également continuer de délivrer de bonnes performances, la poursuite des rachats d’actions par les entreprises américaines constituant comme en 2018 un réel facteur de soutien. Pour autant, alors que la volatilité devrait faire son retour sur le marché américain, la sélectivité et la prudence demeurent primordiales. Cet environnement nous conduit à nous intéresser à des secteurs défensifs, comme la santé qui offre des valorisations intéressantes, ou le secteur bancaire dont certaines valorisations sont particulièrement attractives.
Dans un contexte de fortes incertitudes, les obligations convertibles présentent également des atouts indéniables, offrant une approche plus défensive. Elles bénéficient surtout de la bonne résistance du marché du crédit. De fait, d’une manière plus générale, le marché du crédit, notamment les segments « investment grade » et « high yield » en Europe, offre toujours des opportunités de rendement et de performance dans un environnement de taux d’intérêt historiquement bas. Au regard des niveaux de spreads actuels, le « high yield » européen doit être privilégié par rapport au « high yield » américain, les fondamentaux des entreprises américaines paraissant moins solides qu’en zone euro du fait d’un niveau d’endettement plus élevé.
En revanche, dans un contexte de taux d’intérêt toujours très bas, voire négatifs, les dettes souveraines en zone euro n’offrent à l’heure actuelle aucune opportunité de rendement. Cette classe d’actifs peut toutefois être envisagée comme un actif de repli ou de couverture en raison du retour des corrélations avec les marchés actions. Il est désormais impératif d’adopter une stratégie de gestion tactique sur les dettes souveraines qui ne peuvent plus être recherchées pour leurs performances.
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