France : la mobilisation du 10 septembre 2025 entre grève, blocages et tensions sociales

Mercredi 10 septembre 2025 s’ouvre sur un paysage national profondément marqué par la contestation. Dès l’aube, la promesse d’un « pays à l’arrêt » lancée sous la bannière du mouvement « Bloquons tout » a pris forme dans de nombreuses villes, sur les routes comme dans les transports. Cette mobilisation, d’abord amorcée sur les réseaux sociaux, s’est transformée en une véritable démonstration de force, portée par des syndicats et des collectifs désireux de faire entendre leur colère face aux réformes d’austérité annoncées à la rentrée.

Un mouvement inédit par son origine et son ampleur

Ce 10 septembre n’est pas une grève comme les autres. Derrière les cortèges et les barrages filtrants, on retrouve une mobilisation née sur Internet, fédérée par des appels viraux à « tout bloquer ». Très vite, des syndicats structurés comme SUD-Rail et la CGT-Cheminots ont rejoint le mouvement, apportant leur capacité d’organisation et de nuisance dans les transports. La RATP, à travers le syndicat La Base et la CGT-RATP, a elle aussi répondu présent, tandis que Sud Aériena fait planer la menace de perturbations dans le ciel français.

L’enjeu dépasse le seul cadre salarial : il s’agit d’une contestation globale contre les économies budgétaires prévues par le gouvernement, héritées des arbitrages du cabinet Bayrou, et jugées inacceptables par une partie croissante de la population. C’est cette dimension transversale – mêlant syndicats, professions libérales, personnels hospitaliers, étudiants et citoyens – qui confère à la journée son caractère exceptionnel.

Les transports au ralenti : entre perturbations et actes de sabotage

Sur le réseau ferré national, le plan de transport est très contrasté. Si les TGV circulent normalement, les TER ne roulent qu’à 70 %, avec de fortes disparités régionales, et seuls un train Intercités sur deux est assuré. Mais au-delà des grévistes, ce sont les sabotages volontaires qui ont marqué la nuit : incendies de câbles, palettes et arbres déposés sur les voies, jets de pétards… Des actions coordonnées qui ont conduit à l’interruption totale de la ligne Toulouse–Auch et à des perturbations sévères entre Marmande et Agen.

En Île-de-France, le RER A et la plupart des lignes de métro fonctionnent normalement, mais le RER B reste perturbé (2 trains sur 3) et le Transilien connaît des difficultés importantes. Quelques tentatives de blocages sur le tramway ont été maîtrisées par les forces de sécurité, mais la menace reste présente.

L’aérien et les routes sous tension

Dans le ciel, la situation se tend progressivement. Des retards se multiplient dans la matinée, et le Centre en route de la navigation aérienne Sud-Est prévoit de basculer en service minimum dès 18 h, ce qui devrait affecter lourdement les vols à destination de Nice, Marseille, Lyon et de la Corse en soirée. Au sol, l’accès à certains aéroports est déjà compromis : fortes perturbations autour de Nantes, difficultés d’accès à Toulouse, présence de manifestants devant l’aéroport de La Réunion.

Sur le réseau routier, les opérations escargots et barrages filtrants se multiplient. Rocades de Rennes et Nantes, autoroute A10 à Poitiers Sud, A9 à Aix-en-Provence, rocade de Toulouse : partout, des points de blocage perturbent la circulation. À Paris et en Île-de-France, le périphérique et plusieurs grands axes sont ciblés, ralentissant considérablement les trajets domicile-travail.

Un dispositif sécuritaire exceptionnel

Conscients de la portée symbolique de cette journée, les pouvoirs publics ont déployé des moyens considérables. 80 000 policiers et gendarmes sont mobilisés à travers le territoire, avec pour mission de sécuriser les gares, aéroports et grands carrefours routiers. À 9 h, déjà plus d’une centaine d’interpellations étaient signalées, dont 65 dans l’agglomération parisienne, principalement pour entraves à la circulation ou dégradations.

Le ministère des Transports, tout en remerciant les agents mobilisés pour maintenir la continuité du service public, insiste sur la volonté du gouvernement de « limiter les perturbations et garantir la sécurité des usagers ». Mais la fermeté affichée ne suffit pas à masquer l’ampleur d’une grogne sociale qui dépasse largement le seul champ des transports.

Une rentrée sociale explosive

Ce 10 septembre apparaît comme un test grandeur nature. Les syndicats ont démontré leur capacité à canaliser un mouvement citoyen spontané, et les citoyens en colère ont trouvé un relais puissant pour amplifier leur contestation. La perspective d’une nouvelle journée nationale de grève intersyndicale le 18 septembre est déjà dans tous les esprits, laissant craindre une rentrée sociale durablement conflictuelle.

La France, une nouvelle fois, se retrouve à la croisée des chemins : entre l’exigence budgétaire de l’État et l’exaspération croissante des citoyens, la fracture se creuse. Si la journée du 10 septembre parvient à marquer les esprits, elle pourrait inaugurer une séquence politique et sociale longue, où la rue reprendrait une place centrale dans le rapport de force avec le pouvoir.

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