Des niveaux de mortalités d’abeilles particulièrement inquiétants en sortie d’hiver

Le Réseau Biodiversité pour les Abeilles tire la sonnette d’alarme !

Jusqu’à 90% des mortalités ! Le Réseau Biodiversité pour les Abeilles observe et rapporte des mortalités d’abeilles très importantes au sortir de l’hiver. Pour éviter une nouvelle année catastrophe, la filière apicole doit se mobiliser en urgence autour de deux priorités : améliorer le traitement sanitaire des colonies pour les protéger des parasites, virus et pathologies d’une part, et améliorer la qualité et la disponibilité de la ressource alimentaire d’autre part. Apiculteurs, agriculteurs, instituts techniques, collectivités, pouvoirs publics : la réponse doit être collective et concertée. Il en va de la pérennité du précieux service de la pollinisation et du maintien de la biodiversité.

Des parasites de plus en plus virulents

Le changement climatique expose les abeilles à un parasitisme de plus en plus intense, en particulier la présence du Varroa et de Nosema ceranae dans les ruches. Ces parasites internes et externes de l’abeille voient en outre leur pathogénicité augmenter avec les mutations des souches virales qu’ils véhiculent. Surnommé depuis des années « l’ennemi numéro un des abeilles » par les apiculteurs, le Varroa continue ses dégâts dans les ruches. Originaire de Chine, ce parasite perturbe les abeilles en affaiblissant leur défense immunitaire et en leur inoculant des virus. Hélas, les moyens de lutte dont disposent les apiculteurs sont trop limités. Les acaricides utilisés sont aussi de moins en moins efficaces. Les entreprises spécialisées dans le développement de solutions vétérinaires ne peuvent pas s’appuyer sur la recherche publique qui ne mobilise pas de moyen sur cette question sanitaire. Le marché de la santé des abeilles se révèle malheureusement trop faible pour justifier des investissements privés sur lesquels le retour serait insuffisant au niveau économique. Il en va de même pour Nosema ceranae et les différentes pathologies qui affectent les abeilles. Ce volet sanitaire doit également apporter des réponses à la formation technique des apiculteurs. L’encadrement actuel n’est pas adapté aux besoins de la profession qui est marquée par une majorité d’apiculteurs amateurs qu’il faut accompagner au plus près.

Une méteo 2021 particulièrement défavorable 

Qualifiée d’annus horribilis, l’année 2021 a été marquée par des conditions météorologiques très mauvaises. Un hiver doux et un printemps précoce ont produit une absence de rupture de ponte dans les ruches, condition essentielle à l’efficacité des traitements contre le varroa. L’année s’est prolongée par un été extrêmement pluvieux qui n’a pas permis une bonne mise en hivernage des colonies. Les conditions météo conjuguées à l’appauvrissement du milieu en ressources florales ont constitué un cocktail fatal pour beaucoup de ruches.

Relever le défi alimentaire des abeilles

Sans un large éventail de solutions efficaces au plan sanitaire, les apiculteurs n’ont d’autre choix que d’apporter un soin particulier à l’alimentation de leurs colonies. Or, l’équilibre alimentaire est la clé de voûte de la santé des abeilles. Sans fleurs, pas de pollen. Sans pollen, pas de protéines. Sans protéines, pas de défense immunitaire. L’équation est bien connue. C’est pourquoi, l’agriculture est un des leviers pour relever ce défi alimentaire des abeilles. Les productions mellifères comme le colza et le tournesol doivent être soutenues par des politiques ambitieuses, notamment en matière d’indépendance en protéines. Là encore, les conditions météorologiques de l’année passée ont eu des conséquences négatives sur ces ressources, en particulier le colza. L’agriculture est donc un élément clé pour répondre à la faim des abeilles. Les pratiques agricoles visant à assurer la protection des cultures sont quant à elles compatibles avec la bonne santé des colonies. C’est bien le gagnant-gagnant qui doit s’imposer pour réconcilier apiculture et agriculture.

Passer à la vitesse supérieure dans le développement d’oasis de biodiversité

Des aménagements complémentaires sont à encourager de manière très concrète. Ainsi, la mise en place de jachères mellifères, c’est-à-dire d’oasis de biodiversité apportant pollen et nectar aux abeilles, doit être soutenue. Les études menées par le Réseau Biodiversité pour les Abeilles confirment l’intérêt de ces aménagements. Ainsi, en mobilisant 0,3% de la zone de butinage des abeilles, il est possible d’assurer les deux tiers de leur bol alimentaire. C’est un signal très positif car il ouvre des perspectives positives pour la filière. Malgré de nombreuses alertes auprès de ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, le plan pollinisateurs fait l’impasse sur les mesures concrètes en faveur d’une amélioration de la disponibilité d’une ressource. Or, tous les scientifiques sont aujourd’hui unanimes pour souligner que lorsque les abeilles sont bien alimentées, avec des pollens de qualité et diversifiés, elles sont bien plus résistantes face aux multiples agresseurs auxquels elles doivent faire face. Le Réseau Biodiversité pour les Abeilles a lancé le programme Coup d’pousse qui vise à offrir aux agriculteurs volontaires des semences mellifères pour transformer des espaces non productifs en réservoirs de biodiversité. Si de telles initiatives sont encourageantes et apportent une réponse locale efficace, elles doivent être portées par les pouvoirs publics pour être déployées à grande échelle. Selon les modélisations du Réseau Biodiversité pour les Abeilles, 80.000 ha de jachères apicoles doivent être réparties sur les principaux bassins de production pour garantir un bol alimentaire de qualité pour les abeilles.

« Avec des mortalités d’hiver qui oscillent entre 5 et 90% selon les exploitations, l’année 2022 démarre sous un ciel orageux. Si les facteurs sont aujourd’hui clairement identifiés, il est possible d’agir sur certains d’entre eux, à commencer par le sanitaire et le bol alimentaire. Bien soignées et bien alimentées, les colonies pourront se développer correctement et produire suffisamment de miel pour équilibrer les comptes d’une filière plus que jamais en danger. Il n’y a aucune fatalité mais il y a urgence à agir collectivement pour offrir un avenir à l’apiculture française » résume Philippe Lecompte, apiculteur professionnel bio et Président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles.

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