Chacun a pu voir aujourd’hui des squares parisiens remplis d’enfants (dont on sait désormais qu’ils sont souvent asymptomatiques) et de personnes âgées, malgré les consignes sanitaires diffusées par le gouvernement. Les règles de confinement ont largement été ignorées. Cette crise est celle de tous les doutes. Doute sur son ampleur. Doute sur ses effets.
Le doute met désormais systématiquement en cause toute prise de parole officielle. Les Français se demandent constamment si la vérité d’aujourd’hui n’a pas seulement vocation à être rectifiée demain. Les Français ont évidemment des raisons d’être désorientés : le mélange des genres entre l’information, le divertissement, l’influence et la publicité, la multiplication des rumeurs et des fakenews devenues un véritable marché, …
Rien n’est désormais plus difficile que de fixer les règles de la communication pour convaincre les français de la légitimité des consignes face à la crise sanitaire.
Le gouvernement, avec, sans doute, les meilleures intentions, vient de mesurer cette difficulté. La communication est un art difficile en ce qu’elle réside souvent tant dans le traitement de l’incertitude que dans l’absence de diffusion d’information contradictoire.
A l’ère du doute permanent, la dissonance cognitive est ravageuse. Elle est, ici, née de l’affrontement d’annonces, d’un côté, la fermeture des “lieux non indispensables”, de l’autre, l’appel aux Français à se rendre dans les bureaux de vote. La seconde a d’évidence ébranlé la certitude du premier.
Communiquer est devenu un mot magique de notre société de masse. Tout en ayant semblé pâtir de sa banalisation (tout est communication), et du discrédit de l’information et de la parole publique, la communication reste indispensable pour sensibiliser au risque.
Un gouvernement qui peine à communiquer et surtout à convaincre les Français de l’importance du risque ne peut pas tendre le dos sous l’orage en espérant qu’il ne durera pas. Il doit surmonter le doute en créant l’émotion collective. Faire partager la parole scientifique en la mettant en avant.
Au-delà du travail de pédagogie auprès de l’opinion publique, la refonte des mécanismes de communication autour du risque sanitaire est indispensable. La France a longtemps été partagée entre ceux qui croyaient au Ciel et ceux qui n’y croyaient pas. Il faut ici que les savants disent leurs certitudes du risque et que la communication retrouve sa solennité qui semble être le seul vrai rempart contre le doute. La défiance ou la colère à l’égard de la parole publique ne doivent pas prendre le pas sur la résignation face au risque.
L’ère du doute doit être combattue. La communication de crise est un outil puissant pour combattre l’idée que nous ne pouvons plus croire ce que nous regardons, ni souscrire à ce que l’on nous raconte. Sous l’apparence de la liberté, le doute ne doit pas finir par empêcher les Français de se protéger du réel nécessairement complexe surtout lorsqu’il est scientifique. Bienvenue dans l’ère du doute.