
Alors que la question du rôle de la France dans la solidarité mondiale traverse une période de turbulences, cette contraction budgétaire intervient dans un contexte déjà marqué par des réductions sans précédent. L’année précédente, le budget consacré à l’APD avait en effet été amputé de 2,5 milliards d’euros, constituant un tournant historique dans le désengagement français. Avec les 900 millions supplémentaires envisagés dans le PLF 2026, la France aurait ainsi perdu, en seulement deux ans, plus de la moitié des ressources destinées à soutenir les pays les plus vulnérables.
Dans l’hémicycle, les débats s’intensifient. Si le gouvernement proposait initialement une baisse de 700 millions d’euros, le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, a suggéré d’aller encore plus loin en supprimant 200 millions d’euros additionnels. Une perspective alarmante, puisque la mission APD est déjà l’une des plus sévèrement touchées du budget 2026, représentant à peine 0,6 % des dépenses de l’État .
Pour Plan International France, les conséquences d’un tel recul sont tangibles et immédiates. L’ONG souligne que cinq projets ont déjà été interrompus ou diminués, faute de financements. Parmi eux, un programme essentiel d’éducation et de formation professionnelle dans le nord du Bénin, qui bénéficiait directement à plus de deux mille cinq cents enfants et jeunes, ainsi qu’à cinq cents adultes. Ce projet, véritable bouée pour des communautés entières, se voit contraint de cesser. Un autre projet phare, consacré à la lutte contre le travail des enfants en Jordanie, risque de subir le même sort dès 2026 si les crédits continuent de diminuer .
Cette contraction budgétaire ne frappe pas seulement Plan International France, mais l’ensemble du secteur associatif engagé dans la solidarité internationale. Selon une étude de Coordination SUD, publiée fin novembre 2025, ce mouvement de désengagement a déjà entraîné la suppression de quatre mille neuf cents postes et impacté six cent quarante et un projets. Ce sont, au total, 7,6 millions de personnes vulnérables qui subissent les répercussions directes de ces arbitrages budgétaires .
Cette situation paraît d’autant plus paradoxale que la France a récemment affiché une ambition forte en dévoilant sa stratégie de diplomatie féministe. Pour Plan International France, les actes du gouvernement contredisent ouvertement les engagements pris. Comment promouvoir une politique étrangère féministe tout en réduisant les fonds nécessaires pour soutenir les droits des filles et des jeunes femmes, souvent les premières victimes des crises humanitaires, économiques ou climatiques ? La directrice générale de l’ONG, Anne Bideau, rappelle que ce désengagement fragilise profondément les publics les plus exposés aux violences, aux inégalités et à l’exclusion .
L’APD n’est pas un simple instrument de politique étrangère. Elle constitue l’un des piliers de la présence internationale de la France, un levier stratégique pour prévenir les crises, soutenir les économies fragiles, renforcer l’éducation, la santé, les droits humains et accompagner des millions de personnes vers une plus grande autonomie. La réduire revient à retirer la France de scènes où sa voix et son engagement sont essentiels.
Face à ce constat, Plan International France formule des recommandations claires. L’ONG appelle les parlementaires à revenir immédiatement sur ces baisses, afin de garantir le maintien des engagements internationaux pris par la France. Elle souligne qu’abandonner ces financements reviendrait à tourner le dos à des années d’efforts en matière de solidarité, à compromettre des avancées cruciales pour l’égalité de genre et à fragiliser durablement la crédibilité de la France sur la scène internationale .
Alors que les crises mondiales se multiplient et que les inégalités se creusent, le repli budgétaire interroge. Il pose une question fondamentale : quelle place la France souhaite-t-elle occuper dans le monde ? Faire de la solidarité internationale une variable d’ajustement, c’est accepter que les plus vulnérables en payent le prix. À l’inverse, maintenir un engagement fort dans l’APD, c’est investir dans un avenir plus stable, plus égalitaire et plus sûr.
Dans les semaines à venir, les débats au Parlement seront décisifs. Le vote final sur le PLF 2026 dira si la France choisit de poursuivre sur la voie du désengagement, ou si elle décide de rester fidèle à ses ambitions humanistes et à son rôle historique dans la solidarité internationale. Pour les millions de personnes qui comptent sur cette aide, l’issue dépasse largement la technique budgétaire : elle relève d’un choix moral et politique majeur.
À propos de Plan International France
Membre du réseau Plan International, l’ONG Plan International France agit depuis 1993 pour faire respecter les droits des enfants, en particulier ceux des filles dans les contextes de développement comme de crises humanitaires.